Après la guerre, la famine et l’exil amplifiés ?
Si l’on excepte l’abondance d’images télévisées filmées sur le terrain, qui s’invitent dans nos confortables salons, et l’envolée du baril de brut, l’une des premières conséquences du conflit russo-ukrainien est bien évidemment l’exode des populations qui cherchent refuge et sécurité dans les pays limitrophes ou plus loin. La réponse des occidentaux a été immédiate, avec un élan de solidarité immense. Toutefois, d’autres conséquences pourraient être fatales pour les pays du Sud.
Après deux années de pandémie, les prix dans de nombreux secteurs d’activité ont subi des augmentations significatives : les composants électroniques et les matériaux de construction, par exemple, coûtent beaucoup plus cher qu’avant les années Covid. Cette problématique a été soulevée par Loïc Brüning, de l’association Gbonele – Un toit pour toi, qui relevait, lors de notre dernière assemblée générale, que le prix des matériaux est devenu volatile à cause de la pandémie. »
Dans un monde toujours plus globalisé, les pays sont interdépendants, notamment en ce qui concerne l’alimentation. Un article du New-York Times, traduit sur le site du Courrier International, explique qu’« après la crise de l’énergie, le conflit russo-ukrainien menace le monde de pénurie alimentaire ». En effet, « les deux belligérants sont des producteurs essentiels de céréales et d’engrais. » Cette crise a pour conséquence une augmentation du prix des denrées alimentaires de base.
Dépendance alimentaire
Si, dans une moindre mesure, l’occident peut contenir cette brusque inflation, les populations des pays les plus fragiles, celles du continent africain notamment, sont clairement menacées par l’insécurité alimentaire. Certains pays sont dépendants jusqu’à hauteur de 80 % de l’Ukraine ou de la Russie pour leur importation en blé (source : Letemps.ch – accessible aux abonnés). Ce manque d’autonomie alimentaire est bien souvent une conséquence néfaste de la politique d’états qui décident d’acheter des denrées alimentaires sur les marchés internationaux plutôt que d’encourager la production locale.
Toujours dans le journal Le Temps, Ahunna Eziakonwa, responsable de l’Afrique pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), explique que les fonds affectés à ce continent risquent d’être réalloués au soutien de l’Ukraine. Selon lui, ce manque à gagner peut aussi être envisagé comme une opportunité pour l’Afrique de réduire ses dépendances « en investissant de manière plus intelligente pour la prospection des forages d’eau, par exemple ». Il conclut son intervention en expliquant que le « continent, on le sait moins, dispose de 60% des terres agricoles inexploitées dans le monde. » En dépit de cette déclaration optimiste, la mobilisation des ressources financières reste essentielle afin de soutenir le continent dans sa lutte contre la famine à venir.
Sur le front de la migration
Avec les guerres (plus d’une vingtaine de conflits causent plus de 20’000 morts par an dans le monde), l’insécurité alimentaire et les changements climatiques (lire la nouvelle édition de notre bulletin d’information), la pression migratoire risque de s’accentuer davantage en Europe, au point de faire rouvrir en Suisse, dans l'urgence, certains abris PC, comme ce fut le cas en 2015. À cela s’ajoute le difficile équilibre, pour nos autorités politiques, de traiter de manière équilibrée et compréhensible par tous, la problématique des requérant·e·s d’asile de tous les pays. L’objectif est d’offrir, in fine, à chacune et chacun une protection efficace, un traitement de sa demande le plus juste possible et ceci dans un délai raisonnable. Chaque histoire de ces hommes et des ces femmes qui arrivent dans nos contrées étant singulière, la tâche est immense.
De rencontres, de découvertes et de migration, il en sera justement question ce dimanche 22 mai à Tramelan, à l’occasion d’une nouvelle édition de CIP-Solidaire. Vous pourrez y visiter le souk, où se présenteront 17 organisations de coopération au développement, et déguster à midi un repas interculturel qui sera, comme de coutume, préparé par les requérant·e·s d’asile du village. Cette journée « pour partager » est une invitation à la découverte de l’autre, à la dégustation de nouvelles saveurs et surtout propice au dialogue avec les réfugié·e·s. Nous encourageons aussi les échanges avec les nombreu·x·ses bénévoles, qui investissent un temps considérable pour appuyer les populations les plus fragiles dans différents domaines, tels que l’éducation, la santé, la formation ou … la sécurité alimentaire ! notamment par le soutien à des projets agricoles, parfois innovants. La FICD sera bien évidemment de la partie, elle qui a investi, en 2021, près de CHF 720'000 francs dans les projets de ses membres. Ce montant est destiné à améliorer les conditions de vie des populations du Sud, afin qu’elles ne se lancent pas sur le périlleux et douloureux chemin de l’exil, car on ne quitte jamais sa terre natale de gaieté de cœur, ni sans sacrifice.
Bruce Rennes, chargé de projets
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